Etoiles Mortes – Jean-Claude Dunyach

Etoiles Mortes Semaine Citadine, jour 1

Etoiles-Mortes

Etoiles Mortes Jean-Claude Dunyach Originellement paru en trois tomes.

  Jean-Claude Dunyach Première édition : 1991. Lu en ebook grâce à Adopte un auteur. J’ai lu Etoiles Mortes, car son auteur a gentiment accepté que je l’adopte (ou est-ce moi qui ait gentiment accepté d’adopter cet auteur ?). Ledit auteur, c’est Jean-Claude Dunyach, que j’avais rencontré au festival Fantastilivre de Grenade en septembre dernier. J’avais lu de lui Le Jeu des Sabliers, son tout premier roman, et comme j’avais plutôt apprécié, et qu’en plus, non content d’être Toulousain, Jean-Claude fait un tiramisu de l’enfer, je m’étais promis d’en découvrir plus. Avec Etoiles Mortes, je me plonge dans un récit de plus grande envergure (plus long quoi) et d’une profondeur et d’une densité que je n’imaginais pas. Par là-dessus, il s’intègre parfaitement à ma thématique « Les Villes ». C’est fou comme le hasard fait bien les choses… Alors, de quoi s’agit-il ? De l’histoire de Closter. Un artiste. Raté. Et oui, on n’a pas tous le talent des plus grands. Mais dans cet Univers, quand on a un peu de talent, on est envoyé pour jouer les doublures des meilleurs dans les AnimauxVilles. Il y en a 27, et on peut se déplacer de l’une à l’autre si on a un nombre de doublure correspondant. Et Montori, THE artiste du moment dont Closter joue le clone, il se déplace souvent. Malgré son « mal des transports », il ne s’en porte pas trop mal : la Terre est surpeuplée, ses ressources sont quasi épuisées, l’eau commence à se faire la malle (c’est comme cela qu’on a découvert le premier AnimalVille : au fond de la Méditerranée devenue désertique). Accompagné de son petit chat, Ombre (là, vous avez compris que Dunyach m’avait acquise à sa cause en une seconde), il mène une vie pas trop inconfortable. Ennuyeuse à mourir, mais bon… Tout change, tout se bouleverse, quand il fait la rencontre de Marika, l’Astrale qui a choisi la méthode longue pour voyager, mais qui a perdu son corps dans la tourmente. Et qui le cherche, en toute illégalité. Parler de ce roman est extrêmement compliqué, tant il est dense ! Le style de Dunyach y est d’une grande poésie, et le choix d’une temporalité présente, déroutante, sert à merveille aussi bien l’aspect poétique que la richesse des messages qu’il propose. Réflexion sur la difficulté de créer, décuplée par les problèmes d’ordre financier, mais aussi et probablement surtout sur la mémoire. Closter est un homme de chair qui ne se souvient que très partiellement de son passé. Marika est une femme fantome, qui a pourtant gardé tous ses souvenirs. L’un comme l’autre s’ancrent difficilement dans leur univers. Il leur manque ce que l’autre possède. A deux, parfois, ils parviennent à un semblant d’harmonie. La mémoire portée par le sol, également, tient une place de choix. Les AnimauxVilles sont véritablement des animaux. Immenses. Ont-ils conscience de la présence de l’humain sur leurs corps ? Peut-être pas. Mais ils se souviennent de chaque blessure infligée par l’Homme, qui ne sait faire autrement que de dégrader son environnement. Par méchanceté ? Probablement pas. Par inconscience, égocentrisme, sans aucun doute. La Ville est ici la Garante de la mémoire de tout ce qui s’est passé, de tout ce qui a foulé son sol, mais aussi, connectée à d’autres mémoires similaires, elle est relais d’un système bien plus vaste. Qui dépasse l’humain et ses considérations finalement tellement infimes… Cette temporalité au présent rend parfaitement justice à ces réflexions. En tous cas, ça a très bien fonctionné sur moi : je me suis retrouvée prise dans une histoire sans en connaitre le passif, et ma compréhension n’a pu que suivre celle de Closter, privé de passé et à l’avenir plus qu’incertain. La Ville Mémoire, la Ville Vivante (terre que l’on ne respecte pas, et qui finit par en mourir), avec ses cycles et son identité, chaque AnimalVille possède son ambiance particulière, et malgré une conscience qui sait se connecter à celle des autres, elle garde la sienne propre. Projection idéale d’une utopie à échelle humaine, ou chacun saurait trouver sa place dans la grande toile, dans le respect de soi-même et de l’Autre ? L’idée est séduisante… Je pourrais m’étendre encore sur de nombreux axes de réflexion, mais les approfondir demanderait trop de temps. Survolons-les malgré tout : Dunyach évoque la capacité de l’Artiste à se mettre en contact avec cette grande toile, sa rôle privilégié dans la connexion de l’Homme avec le monde (Baudelaire n’est pas loin). Il évoque aussi la question de l’immortalité, vue comme un mouvement perpétuel, et non pas une immobilité finalement mortifère. Il évoque le problème du corps et de l’esprit, indissociables pour une existence saine et complète. Sans compter, enfin la question de la Rébellion, de l’oppression et du prix de la liberté. Le tout s’imbrique avec une grande cohérence, même si un ou deux phénomènes sont peu expliqués (ou alors j’en ‘ai pas compris), qui couplée avec la poésie du style fait de la lecture de ce roman un moment hors du temps. En plus, il y a Ombre, et moi, quand je vois un petit chat noir mignon véritablement exploité en tant que personnage et qui ressemble à ma magnifique Bêlit, beh je craque !

Bêlit-NB

Oui, un coup de cœur ! De l’art de caser une photo de son chat dans une chronique littéraire… (et encore, je ne vous inflige pas le second) Sinon, la photo est de Bernard Nieto, qui a accepté que je l’utilise ici. Merci à lui, et merci de ne pas la prendre sans son autorisation ^^ (ni sans la mienne d’ailleurs, c’est mon chat après tout ^^)

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