Seizième étape : Mexique – Le Jaguar sur les toits – François Arango

Malgré mes gros soucis de concentration en ce moment, j’ai réussi, envers et contre tout, à continuer mon tour du monde en 80 livres ! Extraordinaire, me direz-vous, vous n’y croyiez plus, pourtant, ce projet n’est pas abandonné. Sauf qu’au lieu de me prendre le chou sur « lire dans l’ordre des pays » (je suis la reine pour me coller des contraintes à la mords moi le nœud), j’ai décidé de faire un voyage libre. Après tout, la magie de la littérature, c’est ça aussi ! Conséquence, direction le Mexique pour un petit roman noir comme on les aime, avec Le jaguar sur les toits.

Une famille propre sur elle reçoit un jour, par colis, le cœur de l’un de ses membres. Détaché du reste de son anatomie, bien sûr. Il appartenait à un riche homme d’affaire, et il semble qu’il ait été arraché selon d’anciens rites aztèques. C’est là qu’interviennent Alexandre Gardel et Catarina Martin, respectivement journaliste d’investigation spécialisé dans les serial killers et anthropologue caractérielle. Avec l’aide de la police de Mexico, ils vont poursuivre celui qu’ils appellent Jaguar, qui ne s’arrêtera pas, on s’en doute, à cette première victime. Évidement, il faudra compter avec la mauvaise volonté des fédéraux, les secrets politiques et les incompétents notoires.

Dans l’histoire et dans le déroulé de celle-ci, rien de très original. Peut-être est-ce une des raisons qui m’ont fait lire ce roman par petites touches. Je n’ai pas été emportée par un tourbillon d’émotions m’obligeant à le finir d’une traite. Et à la limite, tant mieux : il y a une série télé qui m’a un peu remuée dernièrement, donc en fait, ça repose ! Toutefois, j’ai passé un très agréable moment, grâce en particulier à une plume maîtrisée, emmenée par un style à la fois léger et saupoudré de juste assez d’humour pour que ce soit sympathique sans devenir lourdingue ou mal à propos. François Arango s’amuse avec les expressions toutes faites, les intègre mais les modifie, ou les prend à contre-pied, et on sent qu’il s’amuse beaucoup quand il écrit.

Les personnages eux aussi sont plutôt attendus, n’ont rien de bien original en fait. Mais là encore, ils sont attachants, et jouent un peu à contre-courant des archétypes qu’ils représentent pourtant. Juste assez pour qu’on se rende bien compte qu’Arango joue avec les codes du roman noir, a conscience des écueils, et les esquives par pirouette en les assumant tout en les déjouant subtilement.

Tout cela, c’est bien joli, et ça fait un polar sympa même si sans surprise. Mais là n’est pas, selon moi, l’intérêt véritable de ce roman. L’intérêt se situe dans le contexte de celui-ci… C’est de la confrontation entre deux univers, la modernité capitaliste d’un côté et la sagesse d’un peuple chamane de l’autre. Le parti pris de l’auteur est une évidence, et la tragédie de la disparition d’une civilisation inéluctable. Mais tandis que les enquêteurs poursuivent le Jaguar (dont je rappelle qu’il est l’animal privilégié du voyage entre les mondes), ils partent aussi à la rencontre des secrets de ces indiens sur le point de se faire éradiquer de la Terre… le meurtre d’une civilisation, dans la plus totale indifférence du reste du monde… L’intervention de la résolution du polar à bien cinquante pages de la fin le prouve : l’enjeu, ce n’est pas le Jaguar, mais l’iceberg dont il n’est que la partie émergée. Dans le cadre de mon tour du monde, cela me permet de rencontrer le Mexique dans ses mœurs actuelles, et dans ses problématiques culturelles. Ce qui est assez passionnant en fait !

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