Neuvième étape : Ouzbékistan

Contes du chemin de fer Titre original : Zhekezmaya Doroga

Contes-du-chemin-de-fer

Hamid Ismaïlov Traduction du Russe par Luba Jurgenson et Anne Coldefy-Faucard Sabine Weispierser Editeur, 2009 (1997 pour la première édition)

Il m’en a fallu, du temps, pour me remettre dans mon Tour du Monde ! Que dire ? Est-ce la motivation qui flanche ? Commencez-vous à sentir l’odeur de l’abandon ? Ne vous laissez pas berner, ce n’est que celle des vacances !  Et aussi, je dois l’avouer, d’une sensibilité moindre à l’égard des civilisations d’Asie Centrale, en comparaison à celles d’Extrême Orient. Mais comme je suis une tête de mule, tant pis pour le temps que ça me prend, je m’accroche ! Aujourd’hui, j’ai fini le livre d’Hamid Ismaïlov, celui qu’il a écrit sur le pays dont il est originaire, l’Ouzbékistan. En toute honnêteté, je n’aurais jamais eu l’idée de le visiter dans le cadre d’un « vrai » voyage. Comme quoi, j’ai raison d’affirmer que le voyage littéraire n’est pas moins générateur de découvertes. Revenons-en aux Contes du chemin de fer – puisque c’est ainsi qu’Ismaïlov titre son livre. De quoi s’agit-il pour commencer ? De vingt-six nouvelles aux allures de contes, qui évoquent la vie de personnages au sein d’une ville, Guilas. Cette ville n’est pas très grande, et comme toutes, elle a été frappée de plein fouet par les événements qui ont traumatisé l’Europe et l’Asie Centrales au siècle dernier. Pourtant, les Ouzbeks ne sont pas spécialement communistes, mais on ne leur a pas demandé leur avis. Cette ville a également vécu l’arrivée du chemin de fer, et avec lui de la modernité (ne voyez pas forcément de connotation positive derrière ce mot) et a dû faire face, comme beaucoup de ville avant et après elle, à une adaptation identitaire. Qui sont ces gens, dont l’auteur relate la vie avec un recul qui les entoure d’une brume irréelle ? De vraies personnes, ayant réellement existé, si j’ai bien compris la démarche. J’ai tendance à penser, d’ailleurs, que « le garçon » qui apparait deux ou trois fois (dont la dernière pour sa circoncision), c’est Ismaïlov lui-même… de là à penser qu’il a rencontré les personnes dont il narre les histoires, il n’y a qu’un pas. C’est pourquoi j’ai du mal à trouver le terme de « conte » justifié. Ne maîtrisant pas le Russe, je ne sais pas si c’est une volonté de l’auteur ou une liberté de traduction. Il est clair pourtant que le style est emprunté à ce genre si particulier. Il y a un recul, un voile d’inaccessibilité qui donne cette sensation d’être plongée dans un royaume fort fort lointain, il y a fort fort longtemps. Et il y a aussi cette description de la ville et de la vie qu’on y mène à travers les personnages qui la composent… Guilas devient une entité vivante à part entière, et chacun de ses habitants en est une cellule. C’est la sensation que j’en retire, du moins. Ce voile de brume et de mystère m’a tout d’abord gênée : incapable de me plonger dans cette drôle d’hydre, la ville et ses composants m’étaient complètement étrangers. Puis, j’ai saisi. J’ai cerné. Je ne me permettrais pas de dire que j’ai compris ce qu’a voulu dire l’auteur, mais du moins ai-je compris ce qu’il avait à me dire à moi. Quelque chose de difficilement exprimable. Une manière poétique d’aborder un milieu où la vie n’est pas simple tous les jours, mais où ma foi, les gens s’en tirent. Un milieu loin d’être exempt de ses atrocités également, mais racontée avec la distance de celui qui veut témoigner. Qui n’a pas spécialement l’intention d’embellir. Qui veut juste qu’on reconnaisse l’existence d’une ville, d’un peuple. Ce gamin, sans doute, qui a entendu des histoires, qui a vu des choses, et qui veut, une fois adulte, l’exprimer. Et si cet enfant n’était pas Ismaïlov lui-même, qu’importe ? Il était la jeunesse de Guilas et de l’Ouzbekistan. Il est  maintenant un homme Ouzbek, ce petit, et il veut faire parler son pays, qui n’est ni mieux ni pis qu’un autre et que les Grandes Puissances aux champs de visions envahis d’elles-mêmes et leurs consœurs ont tendance à oublier.  A oublier que ce qui fait un pays c’est avant tout les Hommes qui le composent, et que ces Hommes sont tous les mêmes, ont tous la même valeur, quel que soit le sol qui les a vu grandir. Rendez-vous à la prochaine étape !

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